GOLDIN Nan, Rise & Monty Kissing

EXPOSÉ•ES au Palais de Tokyo | Nan Goldin

“Exposé·es : des personnes n’ont pas choisi d’être exposées à un virus, une maladie, une épidémie.

Exposé·es : des personnes ont choisi de s’exposer pour rendre visible ce virus, cette maladie, cette épidémie.

Parmi ces personnes, des artistes. Parmi ces virus et ces maladies, le VIH/SIDA, qui a causé l’épidémie la plus meurtrière du dernier siècle, et de celui-ci.”

C’est par cette anaphore que le Palais de Tokyo amorce Exposé·es, présentée du 17 février au 14 mai 2023. 

Inspirée de Ce que le sida m’a fait. Art et activisme à la fin du XXe siècle de la critique et historienne de l’art lesbienne et activiste Elisabeth Lebovici, l’exposition présente 40 artistes et collectifs, avec pour ligne directrice ce livre qui questionne ce que l’épidémie de SIDA fait aux artistes, et par recul ce qu’elle fait aujourd’hui à une exposition. Le SIDA n’est ici pas traité comme sujet mais comme une grille de lecture pour reconsidérer des pratiques artistiques exposées à l’épidémie. 

Loin d’une commémoration, l’exposition souhaite porter un discours au présent, en passant outre la frontière supposée entre activisme et pratique artistique, et en utilisant l’art comme une thérapie, du sensible au cathartique. 

Si, dès les années 1980, l’épidémie a décimé une population isolée par la société, Exposé·es se présente comme vecteur d’une parole alors ignorée, stigmatisée, volontairement réduite au silence.

 

ZOOM SUR NAN GOLDIN, The Ballad of Sexual Dependency

Dans Exposé·es, Nan Goldin est représentée par une série de photographies de ses amis Gilles et Gotscho, retraçant leur idylle jusqu’à la mort de Gilles Dusein des suites de sa séropositivité. Ces photographies, tout comme une sélection d’œuvres de la Fondation Francès, appartiennent à sa série The Ballad of Sexual Dependency.

Née en 1953 à Washington D.C, Nan Goldin vit et travaille à New York et Paris.

Elle est diplômée de l’École des Beaux-Arts de Boston où elle y rencontre l’artiste photographe David Armstrong qui, en tant que drag queen, fréquente les soirées et évènements queer dans lesquels, fascinée par ses excentricités, Goldin commence à initier une pratique photographique en noir et blanc. En 1976, elle passe à des couleurs saturées baignées dans une lumière artificielle, et de là naîtra son œuvre magistrale The Ballad of Sexual Dependency

Le travail de Nan Goldin forme un ensemble singulier où sa vie se mélange à son art. Fascinantes, ses photographies attirent irrémédiablement dans un monde intime, où l’histoire est à ré-inventer. Son œuvre peut-être considérée comme un miroir tendu à sa génération, par l’utilisation d’archétypes communs ou d’événements récents issus de nos mémoires collectives. Dans les faits, elle s’efforce de raconter simplement sa réalité, en la parant d’une nouvelle forme de réalisme, aussi crue ou marginale qu’elle puisse être.

 

“Je voulais faire un enregistrement de ma vie que personne ne pourrait réviser : pas une version “safe” et propre, mais plutôt un compte rendu de ce à quoi les choses ressemblaient vraiment, se sentaient et sentaient.”

– Nan Goldin, 2022

 

Comprenant près de 700 portraits instantanés régulièrement mis à jour, The Ballad of Sexual Dependency est un récit profondément personnel dont la narration débute dans les années 70, au gré de ses expériences autour de Boston, New York ou encore Berlin. 

Immortalisant son intimité et celle de ses proches, elle tend à dépeindre un monde marqué par la sexualité, l’amour, la drogue, la maladie, à travers ses fréquentations du milieu queer, autrefois considéré comme très “marginal”, terme que l’artiste révoque : “Nous n’avons jamais été marginalisés. Nous étions le monde. Nous étions notre propre monde, et nous aurions pu nous soucier moins de ce que les gens “hétéros” pensaient de nous.”.
L’épidémie du SIDA a profondément marqué sa création, Nan Goldin étant elle-même victime de la perte de nombreux proches séropositifs.

Véritable artiste du réel, les photographies de Nan Goldin disent sa solitude, son amour, la fragilité de l’existence alliant puissance émotionnelle et réalisme brutal, et choisissent de présenter ce que les Etats-Unis puritains refusaient de voir : la drogue, la prostitution, le milieu queer, le SIDA, les morts. 

La Fondation Francès conserve certaines photographies de l’artiste, comme Rise and Monty Kissing, New York City. Si une partie de sa série The Ballad of Sexual Dependency est propulsée par cette idée de perte et de tristesse, elle se voit aussi rythmée par la joie, le désir, la poursuite de l’intime. Cette œuvre en est un excellent exemple, et comme l’ajoute Nan Goldin à son propos, “La vraie mémoire que ces images déclenchent est une évocation de la couleur, de l’odeur, du son et de la présence physique, de la densité et de la saveur de la vie.”.

De cet instant immortalisé, trivial, elle pousse le regardeur à questionner l’œuvre, à se positionner et à s’identifier, à travers un sentiment d’intrusion, presque de voyeurisme qui se dégage. À travers elle, Nan Goldin interroge la relation qui existe entre la vérité et la simulation, entre histoire individuelle et commune.

 

Pour plus d’informations concernant l’exposition Exposé·es au Palais de Tokyo : cliquez ici

 

Image : Nan GOLDIN, Rise and Monty Kissing, New York City, 1988. C-print sous verre ; 60 x 50 cm. Collection Francès.