Femme Artiste. Artiste Femme. Le genre définit-il l’art ?

 

Le genre d’un artiste définit-il le caractère d’une œuvre ?

Existe-t-il une peinture de femme ?

Le magazine L’Œil #731 de février 2020 soulève ces questions à travers un article : « Femmes peintres, l’art n’a pas de sexe », ayant pour tête d’affiche l’artiste de la Collection Francès, Oda Jaune.

Décryptage.

 

Au cœur d’une ère où l’égalité des sexes est ardemment défendue pour tous les fondements sociétaux, et à juste titre, la question des femmes dans le milieu de l’art ne déroge pas à la règle. En janvier, le directeur du Musée d’Art de Baltimore (BMA) dans le Massachusetts, Christopher Bedford, annonçait : « en 2020, il n’acquerra que des œuvres réalisées par des artistes femmes ».

Alors que les expositions dédiées aux femmes artistes – solo show ou non – se démultiplient, souligner la distinction des sexes n’est-il pas un moyen in fine de creuser d’autant plus le fossé entre les hommes et les femmes ? Et finalement, que préfèrent-elles ? Pas de généralités, mais les femmes artistes interrogées par le magazine L’Œil sont unanimes, elles favorisent les expositions mixtes.

Leurs leitmotivs ? Dépasser l’anecdote pour que l’œuvre soit universelle. Il est évident qu’elles s’inspirent de leur propre histoire, ce qui construit la singularité de leurs styles artistiques, mais sont loin d’être stéréotypés: un homme est capable de peindre une œuvre sensible, tout autant qu’une femme peut proposer une œuvre brutale ou violente, tant dans la thématique de l’œuvre – société, guerre, tabou, sexe, douleur, traumatisme, luttes individuelles, politique – que dans sa technique.

 

Le corps par exemple, territoire clé pour les droits des femmes, est un sujet universel partagé tant par les hommes que par les femmes. À cet égard sont cités deux artistes phares de la collection, Adrian Ghenie et Berlinde de Bruyckere, en parallèle d’Oda Jaune, qui nous transporte dans son subconscient.

Le corps, parlons-en. Dans les œuvres de l’artiste bulgare Oda Jaune, le genre et le sexe ne sont qu’éléments annexes d’une narration individuelle, personnelle et surtout subconsciente. Son œuvre Male Birth (visuel ci-joint – 2012, pièce unique, huile sur toile, 130,5 x 199 cm) traduit une fragilité grandiose : elle exprime au travers de cette apparence translucide la perte de son mari et le double rôle de père et mère qu’elle doit tenir auprès de sa fille. Ce double rôle matérialisé par un buste d’homme est présenté comme sujet de son œuvre symbolisant le noyau de sa famille.

 

 

 

To my lady (visuel ci-joint – 2010, pièce unique, huile sur toile 230 x 220 cm) dévoile en apparence la voluptuosité organique d’une robe de mariée contrastant avec un décor froid etobscur. Progressivement nous sommes invités à mêler notre regard à la réalité concrète de trois corps nus, recroquevillés et protégés par ce symbole culturel, plutôt que naturel, de la féminité. C’est au travers d’une universalité des sens que nous lisons les formes de sa peinture. Les éléments supposément féminins ou masculins s’entremêlent et créent une complémentarité qui transcende l’idée même de « rôle ».

L’anthropologue Françoise Héritier parle du rapport entre les genres comme valence différentielle des sexes, à savoir des règles socialement construites qui organisent l’union de nature conjugale d’une femme et d’un homme. Oda Jaune recherche l’universalité avant tout, afin de communiquer un sentiment humain plutôt que d’activement revendiquer une égalité des sexes. Les œuvres d’Oda Jaune peuvent être perçues comme la matérialisation d’une vision spontanément égalitaire des êtres par le biais de son approche existentielle au monde.

Dans tous les cas, la peinture mérite d’être considérée indépendamment du genre de l’artiste pour être lue et interprétée à sa juste valeur.

 

« Ce qui m’intéresse, c’est l’âme humaine, qui elle n’est pas genrée. »

« {…} quand je peins {…} je dirais que je suis peut-être comme une enfant qui vient au monde à chaque fois pour la toute première fois, sans préjugé, sans appartenance nationale ou idée politique quelconque. »

Oda Jaune, pour L’Œil #731 Février 2020

 

  • Actualités des œuvres d’Oda Jaune de la collection Francès

Prêt de la collection Francès, exposition « Au fil de l’amour », MAL de Laon, janvier – mars 2019, To my lady, 2010, pièce unique, huile sur toile 230 x 220 cm

 

  • Marché de l’art

Vente contemporaine, Sotheby’s Paris, 5 décembre 2019, Sans titre, 2009, pièce unique, huile sur toile, 50 x 60 cm

 

  • En ce moment

Retrouvez Oda Jaune dans l’exposition“Cœurs, du romantisme dans l’art contemporain” au Musée de la Vie Romantique, à Paris. A découvrir jusqu’au 12 juillet 2020.