Jusqu’au 07 janvier 2023, la Galleria Continua présente « Out, out Brief Candle », une exposition dédiée à Adel Abdessemed, une occasion pour se pencher sur le travail d’un artiste important pour la collection Francès.
Citation de la pièce Macbeth de William Shakespeare, « Out, out Brief Candle », (« Éteins-toi, éteins-toi, court flambeau ») évoque la fragilité de toute chose. Les œuvres exposées à la Galleria Continua se nourrissent du désastre de l’histoire contemporaine pour retranscrire le « cri d’un monde chancelant ».
“Adel crie le monde. Sous les coups de l’époque forcenée, il aura engendré une œuvre soufflée, en explosions, par éclats, éléments projectiles. En voilà un qui fait du bruit et des fureurs (…) La note qui résonne dans chaque acte chez Adel, c’est le cri, un cri de surprise révoltée, ou un cri d’horreur à la cruauté de la vie, ou un cri de douleur.”
Hélène Cixous
Né en 1971 à Constantine, en Algérie, Adel Abdessemed vit et travaille à Paris. À travers une variété de médium, regroupant dessin, vidéo, sculpture, performance, l’artiste mène une réflexion sur l’actualité politique, sociale et culturelle. S’y mêlent histoire, mythologie, poésie, actualité et récit autobiographique.
Voguant entre politique et intime, l’œuvre d’Adel Abdessemed aborde avec un regard critique les « zones sensibles » de notre société.
Comme le formule Philippe Alain Michel, Adel Abdessemed « capte dans ses pièces la rumeur de l’histoire et la charge en images ». Il extrait du flux d’informations saturant notre société, des images fortes qui captent et rejouent la violence inhérente à notre monde contemporain. Cependant le sens est transformé, il est pressé « comme on écrase un citron » (A. Abdessemed). Comme l’écrit Alfred Paquement dans la préface du catalogue d’exposition Je suis innocent, « Abdessemed adresse des directs aux images du monde ». Ces coups dirigés vers l’explosion de l’image et de son sens originel, sont voués à « réveiller notre conscience », comme le formule l’artiste. Elles nous ébranlent, voire nous choquent mais elles engagent surtout un regard critique sur la violence mise en scène.
Zoom sur une œuvre de la collection Francès :
Trois œuvres d’Adel Abdessemed sont présentes dans la collection Francès. Penchons-nous sur Sphère II (2006), un ensemble composé de deux anneaux de fils barbelés, l’un de la taille d’Adel Abdessemed, l’autre de celle de sa compagne. Les barbelés utilisés par l’artiste ont la particularité d’être ponctués de doubles lames tranchantes et pointes aiguisées.
Symbole d’enfermement, le fil barbelé incarne la notion de frontière, une zone de contrôle et de tension, lieu intermédiaire et monde en soi. “Objet-barrière”, il s’inscrit dans “l’architecture d’exclusion” qui borde la “Forteresse Europe” et bloque la libre circulation des corps, en particulier celle des personnes en situation d’exil.
Sphère II change l’échelle de cette frontière pour la transposer à celle d’un corps. Elle suggère un corps contraint, enfermé qui ne peut bouger au risque de se blesser. L’intime et le politique s’y conjuguent pour rejouer la mise en danger du corps entraînée par la fermeture sélective des frontières.
Comme évoqué précédemment, Adel Abdessemed entre ici dans une “zone sensible”, il capte la violence de l’histoire contemporaine et la transfigure dans une œuvre laissée ouverte à l’interprétation. Face à l’absence de corps au centre des barbelés, Sphère II suggère plus qu’elle ne montre. La légèreté et la finesse paradoxale de ces cercles engendrent même une forme de poésie du silence dans laquelle se complait le regard. Mais très vite, l’esprit le rattrape pour matérialiser la violence et le danger mis en scène par les pointes aiguisées de ces “objet-barrières”.
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Crédits : Adel Abdessemed, Sphère II, 2006. Installation, barbelés ; 169 cm et 172 cm de diamètre. Collection Francès