De Bruyckere, Glassdome with Cripplewood II

L’œuvre en partage, la collection Francès voyage

Convaincue que l’art ne se confisque pas, la fondation Francès  a pour ambition de partager les œuvres dont elle est dépositaire avec le plus grand nombre, œuvrant activement à la démocratisation de l’art contemporain.

Installée à Senlis et à Clichy, la fondation Francès diffuse depuis sa création en 2009 la collection d’art éponyme, initiée il y a plus de 20 ans par Estelle et Hervé Francès et comptant aujourd’hui près de 800 œuvres contemporaines internationales.

Pour fêter son quinzième anniversaire, elle souhaite renouveler sa dynamique de prêt, offrant aux institutions qui partagent ses valeurs, la possibilité d’emprunter à titre gracieux une ou plusieurs œuvres de la collection.

 

Le premier prêt de l’année est Glassdome with Cripplewood II de Berlinde de Bruyckere. Pour la première exposition monographique, « No Life Lost », de l’artiste belge en Suède, l’œuvre voyage au centre d’art Artipelag, à Gustavsberg, en Suède. L’exposition qui réunit plus de trente œuvres de l’artiste datant de 1995 à nos jours ouvrira ses portes le 3 février 2024.

 

Le travail sculptural de de Bruyckere est en partie informé par l’iconographie chrétienne et la Renaissance flamande. Le martyre, la rédemption et la métamorphose sont quelques-uns des sujets essentiels à l’artiste. Ses sculptures fascinent par leur dualité. La mort et la souffrance sont sans aucun doute présentes dans chacune de ses œuvres mais elles sont toujours associées à une renaissance possible, à la fusion entre les êtres. Le corps, aussi bien humain, animal ou végétal, est au centre de cette dualité et est considéré comme le point où convergent souffrance et désir.

 

Zoom sur Glassdome with Cripplewood II de Berlinde de Bruyckere

Glassdome with Cripplewood II, est réalisé à partir de branches d’arbre moulues en époxy reposant sur un pilier en bois. L’ensemble est placé sous une cloche de verre. Le pilier central, posé verticalement est recouvert en partie d’un tissu épais et il maintient le moulage du cripplewood, traduction anglaise du flamand kreupelhout, qui signifie « un bois éclopé, estropié, bancal, infirme (1)». Peint avec des couleurs rappelant la chair humaine, le tout suggère un corps meurtri.

Glassdome with Cripplewood II découle des recherches menées par de Bruyckere pour son œuvre monumentale, Cripplewood, au Pavillon Belge de la Biennale de Venise de 2013. La sculpture en cire et époxy reproduit un vaste tronc d’orme tombé, avec d’autres branches en cire entortillées autour de lui ; le tout disposé sur le sol, avec des bouts de tissus noués venant panser leurs blessures. L’artiste suggère d’y voir un Saint Sébastien, saint patron des infirmes vénéré partout à Venise depuis la peste noire qui, criblé de flèches pendant son martyre, s’appuyait, avec tenue, sur un arbre. « Saint Sébastien n’est plus lié à l’arbre, il est devenu l’arbre, et inversement, l’arbre est devenu saint Sébastien (2) », commente le philosophe Emmanuel Alloa.

Alors  que  le  corps humain  dans  sa  forme  traditionnelle  est  absent  de  la  sculpture,  il  est  visible  et  perceptible  partout, y compris dans Glassdome with Cripplewood II dans les fissures du bois et dans l’affliction de la matière qu’il supporte. À cela s’ajoute la fragilité de la matière désincarnée, avec une chaire écorchée qui exhibe ses blessures, mise en avant par la cloche de verre. « À travers la vitrine, il y a aussi l’idée simultanée de la protection et de la fragilité, car on peut très facilement briser le verre, […] mes sculptures sous vitrines font donc coexister deux mondes très différents, voire antagonistes (3) », explique l’artiste.
Le tissu et le fil s’entremêlent pour protéger et réparer ce qui est encore possible de sauver. 

Ce tissu, vieilli et décoloré, évoque également le motif de la couverture, largement présent dans les premières œuvres de l’artiste et repris depuis 2016 dans ses grandes sculptures, mais qui affiche désormais des signes de délabrement. À travers ce motif, c’est « l’exemple même du soin (4)» qu’évoque l’artiste.

Chez Berlinde de Bruyckere, il y a cette constante envie, ou peut-être même cette urgence, comme le souligne Alloa, de « se défaire  à  tout  prix  de toute  ressemblance  avec  l’être  humain  et  son  image (5)». Les  corps  que  présente  l’artiste  sont « inorganiques (sans organes) et par conséquent dysfonctionnels, (6)» ils peinent à tenir et à exister, articulés par un processus de dé-représentation. Ces peaux, ces chairs désincarnées sont le support d’une réflexion sur le monde, sur la violence et la souffrance qui lui sont inhérentes. Refusant tout voyeurisme, elles transforment ces réalités, les réincarnent pour effectivement réfléchir et penser leur existence et ses conséquences. (7)

 

Pour toute information complémentaire et demande de prêt, veuillez contacter directement Suzana Danilović, chargée d’expositions et de projets culturels à la fondation Francès par email à suzana@fondationfrances.com

 

(1) Emmanuel Alloa, « Panser le corps », dans Angela Mengoni (dir.), Berlinde de Bruyckere, Bruxelles, Fond Mercator, 2014, p.206.

(2) Idem.

(3) Matthieu Jacquet, « Entre douleur et désir, comment l’artiste Berlinde De Bruyckere sculpte la passion humaine », dans Numéro,  28 juin 2022, en ligne : https://www.numero.com/fr/art/berlinde-de-bruyckere-exposition-moco-montpellier-interview.  

(4) Idem.

(5) E. Alloa, « Panser le corps », op.cit., p. 208.

(6) Idem.

(7) Gary Carrion-Muriyaki, « Donner forme à la douleur » dans Berlinde de Bruyckere, op.cit., p. 141-149.