LA COLLECTION FRANCÈS SE PRÊTE – “DE LEUR TEMPS” AU FRAC GRAND LARGE

 

Du 28 janvier au 23 avril 2023, l’Association pour la diffusion internationale de l’art français (ADIAF) présente sa septième exposition triennale “De leur Temps” au Frac Grand Large – Hauts-de-France. À cette occasion, la collection Francès prête deux œuvres : (Forever Free) Tickle Down de Michael Ray Charles et Le sommeil de Sergey Kononov.

Avec plus de cent vingt œuvres issues d’une soixantaine de collections privées, l’exposition offre un panorama des dernières acquisitions des collectionneurs français, témoignant de leur passion pour l’art « de leur temps ».

« Entre expression de l’intime et adresse publique, les œuvres exposées montrent un esprit du temps traversé de doutes, de visions et d’émotions, » mais aussi de troubles, de révoltes, et de revendications pourrait-on ajouter, les deux œuvres issues de la collection Francès en témoignent…

 

Un repos sylvestre à contrecourant de la frénésie contemporaine : Le sommeil de Sergey Kononov

Crédits : Sergey Kononov, Le sommeil, 2017. Huile et bombe aérosol sur toile ; 71 x 126 cm. Collection Francès

 

Né en 1994 à Odessa, en Ukraine Sergey Kononov  vit et travaille à Paris. Ses toiles sont animées d’une véhémence, d’une frénésie brouillant la perception du sujet représenté. Pour l’artiste, « le flou est à l’image de notre siècle où tout se passe très vite. On fait tout pour économiser du temps et en fin de compte, on oublie de vivre ». Sergey Kononov lui oppose, le sommeil, un temps de pause, un moment surréel extrait de la frénésie de notre société contemporaine.

À l’aide de peinture à l’huile et de bombe aérosol, Sergey Kononov peint un paysage incandescent, aux allures de forêt enchantée, à la fois brumeux et effervescent. Au cœur même de ce décor sylvestre, un magma de couleur fluorescente transfigure la scène et la transpose hors du temps et de notre monde. La peinture gicle, elle éclabousse et coule le long de la toile et trouble notre perception de l’espace. Dans cette approche presque atmosphérique, Sergey Kononov rend compte des mouvements et vibrations qui animent le paysage. Il nous offre un moment de repos et de contemplation, une ode au vivant à contrecourant de cette rapidité qui anime notre société.

 

Une critique acerbe de la société : (Forever Free) Tickle Down de Michael Ray Charles

Crédits : Michael Ray Charles, (Forever Free) Tickle down, 2013. Latex acrylique et penny de cuivre sur toile ; 170 x 130 cm. Collection Francès

 

Né en 1967 à Lafayette en Louisiane, États-Unis, Michael Ray Charles vit et travaille aux Etats-Unis et en Belgique. À travers une œuvre profondément engagée, il s’impose comme un des pionniers de la représentation afro-américaine dans l’histoire et la culture populaire états-unienne.  Ses peintures et sculptures examinent la construction et la prolifération des stéréotypes raciaux dans la publicité et la presse américaine. L’artiste réemploie et réinvente les caricatures d’Afro-Américains révélant la persistance de ces clichés dans la société contemporaine. L’œuvre de Michael Ray Charles ranime la question des conflits identitaires, de discrimination raciale, dressant des constats à partir des évolutions visibles aujourd’hui. L’artiste nomme chacune de ses œuvres “Forever Free” et l’accompagne d’une pièce de monnaie interrogeant le prix de cette liberté. Après une entrée remarquée sur la scène artistique dans les années 1990, l’artiste se retire de la sphère publique et se consacre à ses recherches. Il fait son grand retour en 2022 avec « In the Presence of Light » à la Galerie Templon (Paris).

Son œuvre (Forever Free) Tickle Down s’inscrit dans sa dernière série, peinte exclusivement en noir et blanc et articulée autour d’une mise en scène théâtrale voire dramatique. Sur un riche fauteuil repose un être acéphale, blanc, éclairé violemment par une lumière, un spot le détachant du reste de la pièce. À ses pieds, un nourrisson noir hurle, comme écrasé sous le poids du fauteuil.

Le titre de l’œuvre semble faire écho au “trickle down”, la théorie du ruissellement une politique favorisant les revenus des plus riches, notamment par une réduction de leurs impôts, profite à toute l’économie. Les plus riches réinvestiraient alors dans l’économie et ce réinvestissement « ruissellerait » jusqu’aux classes populaires. Mais dans les faits, il n’a pas été prouvé qu’elles produisent un effet significatif sur la croissance. Elles engendreraient en réalité un accroissement des inégalités. À travers le mot “tickle”, “chatouiller” en anglais, ce titre prend une dimension ironique détournant et critiquant le phénomène. Une lecture accentuée par la prédominance de cet être acéphale richement vêtu écrasant dans l’indifférence la plus totale, le nourrisson nu, chétif, hurlant sous le poids du fauteuil. Loin de célébrer ce phénomène, la toile de Michael Ray Charles semble le critiquer, révélant et soulignant les injustices et inégalités qu’il engendre.